Atelier réchauffement climatique
Résumé par écrit de l’atelier dégustation que nous avions organisé sur le thème du réchauffement climatique et de ses conséquences le 20 avril 2023.
Depuis 2003 et la canicule dont on se souvient tous, plus personne ne peut nier les constats que l’on fait du changement climatique. Plus récemment, double canicule en 2019, épisode gel en 2021, sécheresse en 2022 et 2023, puis orages tropicaux dans le Luberon maintenant. Le changement climatique est désormais une réalité.
Comment lutter contre ce réchauffement dans la vitiviniculture ? Existe-t-il des solutions ? Quelles sont-elles ?
Ne rien Faire
Bien sûr, une solution paraît évidente : nier ce dérèglement climatique et ainsi, faire comme si de rien n’était… Il est vrai que dans l’histoire de la Terre, nous avons connu différentes ères météorologiques différentes : glaciation, réchauffement ; mais ces différentes ères ont duré plusieurs siècles voire millénaires et les changements s’étaient effectués sur plusieurs siècles.
Lors d‘une visite chez un vigneron, issu d’une grande famille bourguignonne, dont le grand père évoquait la grande canicule de 1947 suivie de 1949, 1950 et 1952 (toutes sorties de la mémoire collective), je l’ai trouvé serein, au vue des changements actuels, prétextant l’aspect cyclique de la chose.
Je n’y crois pas…
S’adapter
Il est dur aujourd’hui de nier ces changements et de ne pas constater ce dérèglement. A nous de trouver des solutions et aux vignerons d’en trouver dans la branche qui nous intéresse : La vitiviniculture. Mais quelles sont-elles ? Ou quelles pourraient-elles être ?
- S’adapter par le lieu ? changer le lieu de viticulture
Dans un premier temps, on pourrait concentrer la viticulture là où on le sait, les vignes se cultivent bien, dans des lieux où il y a encore beaucoup de fraîcheur : les Alpes, le Jura, la Bourgogne, la Champagne, etc… et ainsi abandonner la vigne dans les régions déjà trop chaudes (pourtour méditerranéen).
Ou carrément, migrer la vigne là où elle n’est pas encore présente, et créer des vignobles là où il n’y en a pas encore. On pourrait imaginer la vigne migrer vers des lieux où la température et les conditions s’y prêtent le mieux. D’ores et déjà, un agriculteur fait du vin, dans le nord, sur son exploitation agricole. De la vigne expérimentale a été plantée en Bretagne, ainsi que dans les Vosges. Des domaines viticoles commencent à voir le jour en Belgique, on y plante du Chardonnay, du Pinot et du Chenin.
- Par la biodiversité
Certains vignerons pensent que c’est par la biodiversité que qu’ils pourront lutter contre le réchauffement :
Julien Castell, par exemple, à La Cadière d’Azur (appellation Bandol) terroir extrêmement chaud par excellence a décidé de planter des arbres dans la vigne. Ceux-ci auraient, pense-t-il, un effet thermorégulateur sur la vigne, apportant une certaine chaleur l’hiver par le système racinaire et de la fraicheur naturelle l’été. Il a également planté un jardin en permaculture sur une de ses parcelles et fait des essais dans la vigne. Sous ses plants de Carignan en IGP palissés en pergola, il a planté du basilic, et sous le basilic des tomates. Et je peux vous dire que tout cela pousse en symbiose et il y règne une véritable fraicheur.
Pas de permaculture sans animaux, et vous verrez désormais de plus en plus de brebis dans les vignes. Celles-ci ayant un pouvoir désherbant naturel et d’engrais naturel (humus).
Le travail du sol est une donnée très importante à prendre en compte également. En redonnant de la vie à celui-ci, le développement microbien du sol va permettre aux ceps, dont le système racinaire est très important, d’aller chercher en profondeur les nutriments et les oligo éléments qui permettront un développement organoleptique plus important lors de la fermentation. Certains vignerons ne veulent plus travailler leurs sols au tracteur et utilisent le cheval pour les labours (moins lourd, il ”écrase“ moins le sol). Et certains, comme Julien Castell (de nouveau lui…) ne travaillent même plus le sol. Il laisse un paillage sur celui-ci à la saison chaude, développant naturellement une vie microbienne sans intervention.
- Par l’encépagement
Les Cépages Résistants
Si l’on ne peut pas déménager tous les domaines viticoles dans des régions plus fraîches, on peut, en revanche, jouer sur l’encépagement. Et notamment dans les régions chaudes, où les vins titrent rapidement 15,5 ou 16%. Sur le pourtour méditerranéen notamment il devient impensable de ne miser que sur le Grenache et la Syrah…
On pourrait alors imaginer introduire dans les cahiers des charges français des cépages adaptés, d’un côté à la sécheresse, comme les cépages espagnols, catalans, portugais, grecs, et autres… Il existe déjà des cépages catalans bien cultivés sur le territoire français, comme le Carignan (noir, blanc ou gris), le maccabeu (blanc). Et d’un autre côté, des cépages immunisés contre les maladies (mildiou et oïdium) pour limiter les traitements chimiques et faciliter la transition agro écologique.
Des essais ont eu lieu dans le sud de la France au conservatoire des vins (institut en partenariat avec les vins de la Méditerranée, du Languedoc et du Bordelais, qui a les moyens de faire des essais grandeur nature : conservatoire de la vigne et vinification jusqu’au vin en bouteille) avec des cépages étrangers : Primitivo, alvarhino, touriga Nacional, Xarello, Montepulccianno,
Les cépages hybrides
Qu’est-ce qu’un cépage hybride ?
Un cépage hybride est un cépage issu d’un croisement de deux cépages déjà existants.
Quel est l’intérêt ?
Aller chercher les qualités complémentaires des deux cépages sans leurs inconvénients. Par exemple la résistance au mildiou d’un cépage et la précocité d’un autre… L’intérêt étant ici d’aller chercher des cépages tardifs (à la maturité plus lente, pour les vendanger plus tard malgré le soleil), à la résistance aux maladies pour éviter les traitements, et avec des acidités et ph élevés, pour garder de la fraicheur dans les vins finis.
Le plus connu des cépages hybrides étant le Marselan : assemblage de Cabernet Sauvignon et de Grenache (assez rependu dans notre région). D’autres hybrides commencent à pointer le bout de leur nez chez nous : le Sauvignac (assemblage de Sauvignon & de Riesling) ; le Souvignier (Cabernet sauvignon & Bronner) ; Le Floreal, l’Artaban, le Vidoc, le Voltis, le Monarch, le Muscaris.
Notons que certains de ces cépages ont déjà été introduits dans les cahiers des charges bordelais (à hauteur de 5% seulement), que le Floréal donne déjà des vins dans les côtes du Rhône, et que le Sauvignac est d’ores et déjà planté dans le Luberon … Soyons patients et curieux…
- Par l’intervention du vigneron
Partons donc du postulat que le vigneron dont la région viticole est une région chaleureuse et que pour l’instant, le vigneron cultive des cépages à gros potentiel alcoolique, que peut-il faire ?
A l’année, c’est-à-dire aussi bien l’hiver que le printemps en été, le respect du travail du sol semble être aujourd’hui la priorité pour tous ses vignerons soucieux du changement. Redonner de la vie au sol, car la vigne est une plante dont le système racinaire est grand, et elle puise au plus profond les nutriments et les oligo-éléments qui donneront de la profondeur au raisin, et donc, au vin. Même en cas de souffrance hydrique, la vigne est plus forte.
Pendant les vendanges : il peut décider de récolter son raisin en pleine maturité ou en légère sous maturité. Le fait de vendanger en sous maturité va lui permettre de garder de plus fortes acidités dans son vin fini et ainsi garder plus de fraicheur. Mais attention, car le développement aromatique du raisin doit se faire avec un minimum de maturité, sans quoi, le vin pourra avoir un goût ”un peu vert” pour les blancs ou végétal pour les rouges…
Pendant la vinification, il existe des process qui lui permettront d‘aller chercher de la légèreté dans les vins finis, notamment au niveau de l’extraction. Des macérations carboniques, des macérations pelliculaires à froid ; en gros des macérations sans intervention, ou l’on fait infuser les baies sans extraire de matières (tanins, couleur). Utiliser des contenants qui garde la fraîcheur (l’inox ou le béton, contrairement au bois qui pourrait apporter de la lourdeur). Mise en bouteille rapide après les vendanges. Tout autant de process qui permettront aux vignerons de garder la fraicheur dans les vins.
CONCLUSION
Que ce soit directement sur son terroir, sur la viniculture ou pendant les vinifications, les vignerons semblent avoir des outils qui leur permettront de lutter plus ou moins rapidement contre le réchauffement climatique. A plus long terme, sur le pourtour méditerranéen, et plus généralement dans le sud, va se poser la question de la pérennité de la vigne (et pas que). Va-t-on bientôt avoir sur nos tables françaises des bouteilles de vins Anglais ? ou Hollandais ? Qu’en est-il des vins des pays étrangers, d’ailleurs (Chili, Argentine, Afrique du Sud, Australie…) ? La discussion est ouverte, seule la dégustation aura raison…
LISTE DES VINS DEGUSTES LORS DE L’ATELIER
Les vins issus de terroirs encore épargnés par le réchauffement
Vers les Alpes – Domaine JF Quenard, Savoie
La fraîcheur du terroir de Chignin, l’acidité naturelle du cépage Jacquère confèrent à ce vin tout ce que l’on attend d’un joli blanc de Savoie
En Paradis – Rijkaert, AOP Arbois
Dans le Jura, comme en Savoie, on est, on le sait, encore épargnés par le réchauffement climatique. Ici, des vieilles vignes de Chardonnay, des élevages en fût qui n’alourdissent pas mais qui apportent de l’aromatique.
Syrah – Les Pierres Sèches, IGP Ardèche
Sylvain Gauthier, installé à Ozon, cultive ses vignes en appellation St Joseph sur les coteaux, mais exploite aussi de la Syrah sur les plateaux au dessus, à presque 400m d’altitude, cela donne une syrah fraîche et gourmande
L’Etraire de la Dhuy et la Verdesse – Thomas Finot, Gésivaudan
Cépages autochtones d’un vignoble très particulier : le Grésivaudan. Altitude et fraîcheur naturelle; et surtout, cépages acclimatés au terroir qui supportent l’élevage en fût.
Résultat : des vins frais encore loin du réchauffement
Les vins travaillés différemment par les vigneron.ne.s
Le Clos – Hélène Bleuzen, Ventoux
Hélène jouit d’un terroir frais, Cazeneuve, presque 400m d’altitude, mais c’est son intelligence qui confère à ses vins la finesse de l’extraction, la gourmandise des grenaches et des syrahs, la souplesse dans ses jus.
Une vigneronne qui a tout compris…
Beaujolais Villages – Elisa Guérin
Le travail de biodynamie qu’a apporté Elisa sur ses vignes et aussi sur les vignes du domaine familial paie et apporte finesse, souplesse et profondeur au gamay. Du croquant mais aussi de l’éclat aromatique
Cuvée Auguste – La Mongestine, Artigues
Cette 100% Syrah a été macérée plus de 2 mois avant fermentation, mais cette macération est plus comparable à une « infusion » car aucune intervention n’a eu lieu pendant ces 2 mois…
Il en ressort donc une Syrah juteuse, florale, fine et élégante sur un terroir où l’on a plus souvent tendance à produire des vins mûrs et extraits (cf Chateau Vignelaure).
Cuvée Zulu – Brûcken, Fitou
Ici le Mourvèdre, cépage roi de Bandol, a été, lui aussi, infusé plutôt que travaillé de manière extrait comme à Bandol. Alors il ressort ici de manière fine, juteuse et c’est le côté mentholé du cépage qui s’exprime…
Les cépages d’ailleurs
Maccabeu & Carignan blanc – Frères Ledogar, Corbières
Preuve que les cépages étrangers s’acclimatent bien au territoire français, ces deux cépages catalans sont depuis longtemps cultivés dans le Languedoc et le Roussillon. A l’instar du Carignan noir, du Grenache noir que l’on connait un peu mieux…